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William Aumand - Fiche de lecture - Fabrication de l\\\'info

10 Quand le discours de l’interviewé devient trop réel et donc trop complexe, « Au lieu (…) de faire surgir quelques instants de sincérité ou de vie, la discussion vire à la caricature, où la presse renvoie le pire d’elle-même » (p.19). La représentation, de part sa simplicité de jugement et d’information, ne nous permet pas de connaître la vie d’une nation toute entière, il y manque la complexité du réel. La société ne croit plus au réel, dissimulé par la représentation. Le constat est que plus on est en contact avec le monde virtuel plus on s’éloigne des lieux réels où on pourrait pourtant agir. La presse nous informe de cas graves mais beaucoup ne voit rien, ou ne veule pas le croire, comme si connaître la réalité serait trop dur à vivre. On revoit souvent la justification de ce qu’on ne cherche pas à savoir en disant « ça doit être pour quelque chose » (p.99). Certains vont alors qualifier de lâcheté cette attitude de ces citoyens qui ne réagissent pas à la barbarie. Mais c’est tout aussi lâche de ne rien faire en se pensant impuissant mais en revendiquant que la « mondialisation » est le mal, que la montée du Front National est dangereuse. Il ne s’agit pas que de dire les choses il faut agir. Il est plus facile de critiquer que de proposer des idées et critiquer tout ce qui se déroule sous leurs yeux. C’est ce que font les gens. Or en s’éloignant de la réalité on a perdu l’impression d ’avoir sur elle une emprise. « Tout est possible, mais rien n’est réel » (p.84) alors que le réel dit que tout n’est pas possible. Donc agir est difficile voir impossible dans cet état. « Aujourd’hui, on ne triche plus pour faire croire, on triche pour faire voir. Il ne s’agit plus de jouer avec le fond mais avec la forme » (p22). Il y a des reportages crées en studio qui paraissent très vrais et qui nous paraissent être même mieux fait que le réel. Aubenas, par ses connaissances internes aux médias, décrit une fonction fondamentale de la presse : évoquer des liens, des articulations, des causalités entre des choses qui n’ont pas de lien. La presse va jusqu’à appeler ça « connaître son dossier ». « Le débat se déplace autour d’un nombre abstrait et non plus d’une situation concrète. Et une fois encore, le réel s’éloigne » (p.48). Si elle ne tolère pas les zones d’ombre, la presse supporte de moins en moins le réel. Quand ils ne comprennent pas un évènement (exemple d’un génocide) les journalistes parlent de « folie » (p.58). En épistémologie on appelle ce phénomène un simulacre, un mécanisme qui vise à contourner les difficultés que le réel oppose au modèle. Ce rapport conflictuel entre le réel et les grilles de compréhension provoque des dépressions nerveuses dans la presse. Quand un journaliste s’immerge trop dans un sujet il a le risque de ne pas accepter qu’un événement vienne bouleverser sa vision du monde. Au lieu de remettre en cause sa grille d’ analyse, le journaliste a tendance à remettre en cause de réel. Le sociologue Emile Durkheim pense que les situations ne peuvent s’expliquer qu’en surface, dans la seule dimension d’un lien de cause à effet. Or, la représentation est un formatage. L ’ utilisateur souhaite pourtant cette forme de formatage. La lenteur des informations qui viennent d’une pensée critique absolue ne plait pas. La représentation paraît viable aux yeux de la société. Il arrive que le journaliste cherche à mieux comprendre et faire mieux comprendre, face à la complexité il construit des modèles qui ont pour fonction de permettre un rapport pratique avec le réel. Mais le culte de la représentation reprend vite le dessus. La communication n’est pas juste un moyen, elle est aussi son ossature, sa structure. La figure du bien c’est désormais le fait de communiquer (et non ce qui est communiqué), c’est à dire d’ accepter la norme de la représentation.

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