la conférence inaugurale s’est structurée en trois temps : 1 - pendant de courtes interventions liminaires, les deux invités ont pu revenir sur leurs expériences respectives des hôpitaux de l’extrême, présentant le déroulement des événements et les solutions mobilisées pour y répondre ; 2 - puis, une table ronde fut l’occasion de partager des enseignements et réflexions tirés de ces mêmes expériences ; 3 - enfin, un temps d’échanges avec le public est venu conclure cette conférence inaugurale. interventions murielle arondeau en juin 1999, alors en poste à l’hôpital guiraud de villejuif et mue par une quête de sens, murielle arondeau part diriger un camp de réfugiés à povel, dans une albanie instable et en proie avec la mafia. dès le 4 juillet, elle est envoyée par le responsable d’une association en éclaireur à mitrovica. les bombardements de l’otan ont cessé et les réfugiés reviennent au kosovo. c’est par une présentation de ce contexte particulièrement sensible, juste après l’éclatement de l’ex-yougoslavie, que mme arondeau débute son propos. l’intervention au kosovo a été une première mondiale : l’ingérence humanitaire s’y est traduite par l’intervention armée de l’otan et la division du pays en plusieurs zones : l’armée française se voit attribuer la plus délicate, celle au nord du pays. quand m. arondeau arrive à mitrovica, elle découvre une ville quasiment détruite et profondément divisée entre albanais et serbes. à la demande de bernard kouchner, ministre en charge de la santé, elle prend la direction de l’hôpital local. la situation y est complexe : les jeunes kosovars albanais partent étudier à tirana en albanie, où la formation universitaire est grandement déficiente. de retour au kosovo, ils ne sont alors pas suffisamment bien formés pour assurer une médecine de qualité. enfin, la mafia albanaise se déploie sur le kosovo et les miliciens serbes participent également aux nombreuses destructions, notamment dans les quartiers de mitrovica. doté d’environ 650 lits, avec 900 personnels, l’hôpital de la ville ne peut plus assurer sa mission de soins. nommée administratrice de la structure, m. arondeau se donne pour objectif d’assurer le rétablissement de son activité, en travaillant notamment à nouer des liens de confiance entre soignants albanais et serbes. avec le soutien constant de l’armée, elle fait face aux pénuries, instaure le dialogue entre les deux communautés via des réunions quotidiennes mixtes, et par un travail intense de management opérationnel et de visites de terrain, les services se remettent à fonctionner. l’hôpital de mitrovica devient alors un symbole d’une entreprise de réconciliation, preuve « qu’on peut semer, même au milieu du désert ». m. arondeau conclue son propos introductif par quelques conseils inspirés de son expérience au kosovo. elle rappelle tout d’abord l’importance d’avoir une bonne connaissance du contexte géopolitique et de connaître les contacts locaux sur lesquels s’appuyer. elle souligne également l’utilité du recensement de l’ensemble des ressources disponibles en cas de problème ainsi que la mise en place d’un staff de crise restreint et permanent. enfin, elle conseille de prévoir des solutions de repli en cas de danger pour l’activité, mais aussi pour soi-même. bien que particulièrement stimulantes, les situations extrêmes nécessitent un suivi psychologique sur place ou juste après la mission. pierre thépot directeur de l’hôpital de vierzon entre 2002 et 2006, pierre thépot réalise plusieurs missions à l’hôpital de gao, à 1 200 km de bamako, capitale du mali. dans un contexte particulièrement difficile (présence de groupes armés islamistes dans le pays, absence de moyens d’hygiène de base…), il travaille à l’amélioration de l’accès aux soins des populations ainsi qu’à la qualité des prises en charge, qu’il définit comme « les soins que l’on voudrait donner à sa maman ». p. thépot a également eu l’occasion de réaliser des missions dans d’autres hôpitaux situés sur des zones de conflit, notamment en afghanistan en 2003 ou encore au tchad et au darfour, dans des structures où les pénuries d’eau, d’électricité et de médecins sont des constantes. p. thépot revient ensuite sur son expérience marquante de directeur général du chu de guadeloupe, à pointe- à-pitre. c’est dans cet établissement déjà fragile (déficit financier abyssal, pénurie médicale, absence de dialogue social) qu’un incendie se déclare en novembre 2017, détruisant le plateau technique. en l’absence quasi-totale de procédures, l’évacuation doit être organisée. si celle- ci se révèle relativement simple, la question du retour une fois le sinistre maîtrisé se révèle autrement plus complexe. en tant que chef d’établissement et face à la hausse de la mortalité des patients, p. thépot décide de réinvestir les lieux, contre l’avis de l’autorité préfectorale. ces moments de crise extrême, bien qu’exigeants, sont des situations où l’on peut conduire le changement de manière incroyable. les professionnels y sont extrêmement résilients et plutôt bienveillants. l’affrontement syndical disparaît. il est en revanche essentiel de bien comprendre le référentiel culturel des personnes auxquelles on s’adresse et d’apporter une attention toute particulière au choix des mots lors de toute communication, interne ou externe. p. thépot conclut son discours en affirmant que le propre du métier de directeur d’hôpital est de gérer la complexité, sans quoi il n’aurait pas de valeur ajoutée. enfin, il souligne l’importance de l’équilibre personnel indispensable dans des situations de crise intense, au risque de ne pas pouvoir mener à bien sa mission. 10